En attendant ma critique sur Iron Man 2 qui sera publiée demain, voici celle du premier opus (publiée alors sur Cinémapolis), sorti en salles il y a deux ans, en mai 2008 :
Comme le fait remarquer Quentin Tarentino dans Kill Bill, Superman est encore le plus étonnant des superhéros puisque c’est le seul à être vraiment un extraterrestre et sa mission la plus difficile est finalement de renvoyer à la société la médiocre image qu’il s’est faite des humains.
Spiderman est un étudiant rêveur, Batman, un riche héritier qui n’en finit plus de venger la mort de son père et n’arrive à démontrer que sa propre solitude.
Iron Man (alias Tony Stark) est un marchand d’armes qui, après avoir été capturé par les "méchants" (sic) en Afghanistan, découvre comment mener une guerre juste (lui aussi) et accomplit alors le fantasme américain du cow-boy protecteur.
Le constat est simple : les missiles tuent aussi bien les bons que les méchants. Or la paix ne peut s’obtenir que par les armes, donc il faut faire des armes plus "efficaces", qui permettent de ne tuer que ceux qui méritent la mort. Au moins, c’est logique. Dans son film, John Favreau ne cesse de nous présenter Iron Man comme un superhéros brisé qui consacre le restant de sa vie à réparer le mal qu’il a fait dans son inconscience, alors qu’en réalité, Tony Stark reste toujours fidèle à lui-même. Loin de ne plus fabriquer d’armes, il pousse la technologie plus avant et devient lui-même une arme. Le générateur qui fait battre son coeur alimente aussi son armure et ses missiles. On est plus proche d’un kamikaze que d’un pacifiste.
Il est intéressant de retrouver le même postulat de base entre Iron Man et... Crime et Châtiment de Dostoïevski : pour Raskolnikov, il existe une catégorie d’hommes supérieurs, qui se distinguent par leurs actions, incompréhensibles par leurs contemporains, mais fondatrices d’un ordre nouveau. Il décide alors d’assassiner une vieille usurière. C’est un scandale pour la société, mais, il le croit du moins au début, ce meurtre est juste, puisque sa mort soulagera ses créanciers. A aucun moment Dostoïevski ne juge Raskolnikov, il se contente de l’accompagner. Albert Camus, dans L’Homme révolté, en tirera la conclusion qu’on ne peut tuer autrui sans se tuer soi-même et trahir ainsi le sentiment d’absurdité et de révolte qui avait provoqué son geste. Iron Man ne parvient jamais à cette conclusion, puisqu’on ne considère jamais les "méchants" comme des hommes, mais comme des machines à tuer, à l’image de ce duel final... entre deux robots.
Le vrai combat du film n’est pas contre les armes, mais contre leur commerce. Le véritable affrontement n’est pas entre violence et non-violence, mais entre l’inventeur génial, solitaire, séduisant, mystérieux, et le directeur-négociant qui cherche, avec ses équipes d’ingénieurs, sa propre puissance et sa propre richesse à tout prix, mais sans travail et sans honneur. Batman, Superman ou Spiderman subliment les fantasmes et les angoisses adolescentes ; Iron Man veut rétablir la justice universelle et sortir les troupes américaines de ce "nouveau Vietnam". Même pour un superhéros, c’est un peu beaucoup.
Robert Downey Jr arrive à donner un charme impassible et résigné à Tony Stark, alors que Gwyneth Paltrow pétille dans son rôle d’Emma Peel de seconde main... L’un avait interprété Chaplin dans la biographie d’Attenborough, l’autre, l’égérie de Shakespeare dans Shakespeare in Love... Comme quoi, les armes, même à l’écran, ça doit rapporter.