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Près de trente ans après la mort de Jacques Tati, le voici de retour sur les écrans, mais en personnage animé cette fois-ci, l'Illusionniste Tatisheff.
Un hommage magnifique rendu au Maître de la Délicatesse par Sylvain Chomet, le réalisateur des Triplettes de Belleville. On retrouve parfaitement la silhouette, la démarche, l'hésitation des mouvements, leur précipitation timide, leur nonchalence angoissée. Comme dans les films de Tati, on découvre un monde, qui finalement ressemble beaucoup au nôtre, mais que l'on se sent prêt à écouter et dont on scrute chaque détail. Foisonnement de sons, précis jusque dans les recoins les plus obscurs, le film de Chomet apprend à observer.
Il parvient à mêler son propre univers à celui de Tati, sa poésie des changements de lumière, son rythme, très lent, qui sans effet de manche, laisse les personnages s'émerveiller d'eux-mêmes, et l'on se retrouve comblé par le ballet de leurs mouvements, comme dans les meilleurs Grimmault.
Le scénario est de Tati, et on sent très fortement sa patte. Fascination sans bornes pour le Music Hall, les acrobates, les clowns, les ventriloques qu'il a célébré dans le décevant Parade, sympathie magnifique pour tous les inconnus qui errent et que l'on croise au hasard d'un terrain vague, le balayeur, le clochard, l'ouvrier... Et puis aussi ce sentiment d'une cruauté inéluctable dans les relations entre les hommes.
Hulot est gentil, timide, ses sentiments sont souvent difficilement perceptibles, mis à part la générosité... mais il reste toujours un hahuri qui passe. Le vrai sujet du film, ce n'est jamais Hulot finalement, ce sont les Vacances, l'Usine, la Ville, la Route... Hulot c'est la poésie qui disparait. Et tous, dans le tourbillon de la société moderne, involontairement ou non, contribuent à l'écraser. Sans que lui-même le sache. Il part seulement, chaque fois, un peu plus loin. Jusqu'à disparaître.
C'est l'éblouissant reflet de cette ombre disparue que Chomet fait réapparaître. Pour mieux nous faire sentir son absence.
Un chef-d'oeuvre.